Dans le cadre de l’enquête publique sur l’installation d’une centrale de biométhanisation par la société SIBIOM sur le territoire de Leuze-en-Hainaut, nous souhaitons obtenir certaines précisions et faire certaines remarques quant à cette nouvelle version du projet.

Le projet de Biométhanisation se décrit lui-même, et nous nous en réjouissons, comme participant à la transition énergétique de la Wallonie picarde et contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous ne pouvons que souscrire à ce double objectif. Nous soulignons par ailleurs certaines évolutions positives du projet par rapport à sa première version. Ainsi, la transition vers des intrants issus de sous-produits agricoles plutôt que de cultures dédiées, avec un objectif de 25% à 5 ans, est tout à fait positive. L’introduction d’intrants tels la menue paille et le maïs canne ou les CIVE est également un pas dans la bonne direction, le projet est aussi présenté comme un projet d’écologie industrielle. Si ces éléments semblent tout à fait positifs, ils suscitent néanmoins un certain nombre d’interrogations :

– L’utilisation de gaz naturel du réseau pour l’alimentation de la cogénération semble être une ineptie pour un projet qui se veut réducteur des émissions de GES. La diminution de la quantité de biogaz réinjecté dans le réseau est un coût inhérent au procédé de production. Il semble ici que l’intérêt économique prime sur l’intérêt écologique ce qui n’est pas en accord avec l’objectif déclaré du projet.

– L’alimentation des camions devant assurer le charroi par du biogaz est un élément tout à fait positif qui augmente l’intérêt écologique global du projet. Néanmoins, il ne nous apparaît pas clairement si des mesures contraignantes seront prises à cet égard. Il semble également que le dimensionnement de la station CNG (2 camions/h) soit largement insuffisant pour atteindre cet objectif. Il n’est pas clair non plus si cette station CNG sera accessible au public. Cet élément serait de nature à faire accepter plus largement le projet par les riverains puisqu’une telle station représenterait un intérêt certain pour eux.

– Le partenariat avec IPALLE est évoqué dans le document (à tout le moins des discussions) mais l’implication d’IPALLE dans le projet nous parait encore largement trop peu important. Même si ceux-ci ne représentent pas des tonnages importants, les déchets organiques collectés dans les points d’apport volontaire sur l’entité et dans les entités voisines sont aujourd’hui traités à forte distance (Quévy) de leur point de collecte. Il s’agit là également d’une ineptie pour un projet se voulant écologique et réducteur d’émission de GES.

– Les chiffres de collecte de tonte de pelouse évoqués dans le document sont également étranges (1000T/an). Le rapport annuel d’IPALLE fait état de la collecte de 24 000 T de déchets verts en 2018. Il semble peu probable que seul 1/24 de ceux-ci soit constitué de tonte de pelouse. Il semble donc que cet intrant, au très fort pouvoir méthanogène, n’a pas été entièrement pris en compte. Une collecte en porte à porte dans l’entité ou une zone d’apport volontaire devrait être envisagée pour cette ressource.

– Les déchets de brasserie n’ont pas été envisagés dans la liste des intrants. Même si les tonnages ne sont pas énormes, ceci représente pourtant une ressource disponible localement et à coût probablement faible.

– L’introduction d’un objectif chiffré quant à l’introduction de culture non dédié est un élément majeur et positif de cette nouvelle version du projet. Nous nous étonnons néanmoins de ne pas voir figurer d’objectif à 10 et 20 ans. Nous souhaiterions connaître la réelle volonté de se passer entièrement des cultures énergétiques dédiées. Dans le même ordre d’idée, nous avions déjà soulevé que l’accompagnement des agriculteurs dans l’adoption de pratiques nouvelles doit passer par un plan de sensibilisation solide, incluant probablement aussi la mise à disposition d’équipements (pour ramasser la menue paille ou le maïs canne par exemple), ou encore l’installation d’équipements sur le site. La capacité à accueillir notamment des ballots de paille (broyeuse) ne semble pas représenter un investissement important, et pourrait offrir une filière de valorisation intéressante pour les ballots excédentaires parfois abandonnés (voir brûlés) sur les champs par les agriculteurs.

– Afin de conserver l’aspect écologique du projet, et ce également lorsque les CIVE représenteront une part de plus en plus importante des intrants, il est nécessaire de renforcer la dimension écologique des modes de production des intrants. La charte des producteurs est aujourd’hui beaucoup trop floue sur ces aspects. Les CIVE ne représentent un intrant positif d’un point de vue écologique que s’ils sont produits sans ajout supplémentaire de produits phytosanitaires sur les champs. Une dérive possible et dangereuse de l’ajout d’une culture intercalaire nouvelle dans le plan de culture serait que cette culture, au lieu de permettre la régénération du sol, voir une augmentation de la biodiversité dans certain cas (phacélies, colza,…), ne conduise à une pression supplémentaire sur l’environnement. L’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires sur les CIVE, bien entendu en plus de l’interdiction d’amendements azotés, devrait figurer dans la charte du producteur. Les actions destinées à « préserver la biodiversité au niveau du territoire » sont décrites dans la charte. Cependant les producteurs ne doivent choisir qu’une des 7 actions et aucune valeur chiffrée n’est mentionnée. Un projet d’écologie industrielle devrait placer des exigences bien plus ambitieuses en terme de protection de la biodiversité.

– Enfin, le projet se présente également comme une possibilité de diversification économique pour les agriculteurs. Bien conscients des difficultés que ceux-ci rencontrent, nous saluons évidemment cet aspect. Néanmoins, nous n’avons pas trouvé dans les documents reçus les conditions contractuelles auxquelles ceux-ci seront soumis. Il s’agit là d’un élément important car si l’approvisionnement des digesteurs doit être assurés, les contrats de fournitures et les pénalités qui les accompagnent parfois peuvent également représenter une menace plutôt qu’une opportunité pour les producteurs. Nous souhaiterions donc avoir connaissance de ces conditions contractuelles.